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La marge : espace de libertés et de transgressions
•> Date limite de réponse à l’appel : dimanche 20 mai 2012
Qu’est-ce que la marge ? Le domaine du livre et de l’imprimerie la définit comme l’espace blanc entourant un texte. Deux constats s’imposent d’emblée : d’une part, la marge se situe en périphérie d’un texte qui constitue le centre de l’œuvre, d’autre part, la marge est une zone vierge. Ecrire dans la marge apparaît donc comme une prise de liberté, une appropriation et la transgression d’un tabou. L’intérêt que la critique littéraire porte à l’égard des marginalia laisse penser que celles-ci permettent de mieux comprendre le centre. Ainsi, Judith Dundas, dans son livre Sidney and Junius on Poetry and Painting : From the Margins to the Center (Newark, University of Delaware Press, 2007) s’intéresse aux annotations écrites par le peintre Junius le jeune dans les marges d’une copie de l’Arcadie de Sir Philip Sidney éditée en 1613 et analyse ses commentaires sur l’esthétique de l’œuvre.
Par extension, la marge acquiert une dimension métaphorique notamment lorsqu’on l’associe à la notion de société. Sa fonction est de répondre au centre, de remettre en question ses valeurs et de s’interroger sur la norme. A Londres, au temps de Shakespeare, le cours de la Tamise délimitait le centre et la périphérie de la ville : le quartier de Southwark, au sud du fleuve, était le lieu de tous les exutoires : jeux, prostitution, tavernes, et surtout, théâtre. La dimension jubilatoire associée à ces transgressions inspira le théâtre de Shakespeare comme c’est cas dans la première partie d’Henry IV où l’univers comique et grotesque de la taverne alimente les larcins et les vices.
La marge peut donc être considérée comme « espace autre » ou « heterotopia » pour reprendre la terminologie de Michel Foucault (« Dits et écrits - 1984, Des espaces autres » (conférence au Cercle d’études architecturales, 14 mars 1967), in Architecture, Mouvement, Continuité, n°5, octobre 1984, pp. 46-49). Foucault définissait ces heterotopias comme des « lieux réels, des lieux effectifs, des lieux qui sont dessinés dans l’institution même de la société, et qui sont des sortes de contre-emplacements, sortes d’utopies effectivement réalisées dans lesquelles les emplacements réels, tous les autres emplacements réels que l’on peut trouver à l’intérieur de la culture sont à la fois représentés, contestés et inversés, des sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pourtant ils soient effectivement localisables ». Ce que Foucault nous montre, c’est que l’équilibre même de la société repose sur l’existence d’une marge et que celle-ci se définit par sa dimension de subversion, de contre-discours.
Cependant, si Foucault se réfère à des espaces réels, la littérature révèle que la marge s’invente et se représente. On peut la concevoir come espace de transgressions, de déviance ou bien de liberté. Dans l’Antiquité, Théocrite fit de sa Sicile natale un territoire décentré quant aux lieux de pouvoir régis par l’Empire Romain, un lieu de poésie où se mêlent les souvenirs d’enfance, l’innocence et la simplicité de la vie du monde pastoral. Plus tard, Virgile trouva en l’Arcadie une « terre spirituelle », pour reprendre les mots de Bruno Snell (La découverte de l’esprit : de la genèse de la pensée européenne chez les Grecs, Éditions de l’éclat, 1994), ou selon Peter Marinelli, le paradis des poètes symbolisant le retrait d’une vie d’avidité caractérisant les villes (Pastoral, London, Methuen, 1971).
C’est une réflexion pluridisciplinaire sur l’idée de marge que nous entendons mener au cours de cette journée d’étude. Voici quelques pistes de réflexion :
• en linguistique : idiosyncrasies syntaxiques ou phonologiques de la marge ou de la périphérie – variétés marginales dont les principes de réalisation subvertissent la norme…
• en civilisation : expression de la contestation en marge de la société, place et intégration des minorités marginales…
• en littérature : les marginalias – le fonctionnement du paratexte comme espace littéraire en marge du texte (Gérard Genette, Seuils, 1987) – représentation d’espaces imaginaires marginaux – la transgression et ses conséquences…
• au cinéma : le cinéma et les cinéastes s’intéressant aux marges de la société, aux personnages marginaux…
• en philosophie : comment penser l’espace et la marge de la société ? La question de la liberté…
Modalités de participation
Cette journée qui aura lieu le 23 novembre à l’Université de Reims s’imbriquera au séminaire « Codes, marges et transgressions » de l’axe de recherche RSTI (Représentation de la Société par le Texte et l’Image) du CIRLEP (Centre de Recherche Interdisciplinaire sur le Langage Et la Pensée).
Envoyez vos propositions de communication (résumé d’environ 200 mots) à Andy Auckbur (auckburandy@hotmail.com) et Morgane Bird (morgane.bird@univ-reims.fr) qui sélectionneront les propositions
avant le 20 mai 2012
Lieu : Reims (51000) (57 rue Pierre Taittinger (Université de Reims Champagne Ardenne, Campus Croix Rouge))
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