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Le musée par la scène
Le spectacle vivant au musée : pratiques, publics, médiations
Colloque international, 18/19/20 novembre 2015, Paris
•> Date limite : 1 mai 2015
Pauline Chevalier (ELLIADD - CIMArtS, Université de Franche-Comté)
Aurélie Mouton Rezzouk (CEREdI, Université de Rouen)
Daniel Urrutiaguer (EA 4160 – Passages XX-XXI, Université Lumière Lyon 2)
Nous nous proposons d’interroger la place, les pratiques et les finalités du spectacle vivant au musée, dans leur articulation avec des pratiques de médiation, et envisagées sous l’angle d’une problématique de la réception. Danse, théâtre, musique, arts de la marionnette, du cirque, du conte, performance ; créations originales, (re)mises en espaces, accueil, invitations et reprises, visites guidées théâtralisées, chorégraphiées ou interdisciplinaires : quels sont les enjeux esthétiques de ces pratiques scéniques, de ce « recours au vivant » dans l’espace muséal, tant du point de vue des publics que de celui de la création ?
Frottements, contaminations, partages et oppositions, devenirs et lignes de fuite : nous tâcherons de penser la conjonction, ou les frictions, entre la scène et l’espace muséal à la fois selon des perspectives théoriques et dans le cadre d’études de cas. Quelles missions, quelles valeurs, quelles pensées philosophiques, stratégiques, tactiques, portées par les équipes artistiques et muséales fondent et modèlent ces pratiques scéniques dans les espaces du musée ? Quels dispositifs, quels répertoires, quelles formes ? Comment ces propositions jouent-elles des postures du visiteur et du spectateur au travers de l’ensemble des textes et des dispositifs de médiation ? On parle de plus en plus souvent de « spectateur » dans l’espace d’exposition – est-ce abus de langage, ou glissement sémantique et pratique ? Faut-il postuler une contiguïté des pratiques, que cette désignation tendrait aussi bien à signaler qu’à construire ? Ou une alternative, dont les dispositifs scéniques et expositionnels joueraient à loisir ? Comment ces modes ou régimes de réception sont-ils induits, prescrits, modulés, infléchis dans le lieu muséal, par les pratiques spectatoriales ? Enfin, à quelles conditions serait-il possible de penser en termes d’« instrumentalisation » réciproque de la scène et du musée comme d’une pratique instrumentale, dans un processus interactif, sans que cela implique la dénaturation, ou la subordination, de l’un ou de l’autre ?
Nous souhaitons qu’une attention toute particulière soit portée à l’ensemble des pratiques et des supports de médiation et d’adresse aux publics de visiteurs/spectateurs : dispositifs eux-mêmes, textes à destination du public, mais aussi discours d’intention et pratiques d’évaluation (enquêtes auprès des acteurs de l’événement, côté scénique et côté muséal, et des publics). On abordera également ces questions du point de vue institutionnel : stratégies en termes de reconfiguration de l’identité et de l’image du côté muséal, de reconnaissance et de légitimité du côté des entreprises du spectacle vivant ; partage des publics, coopération ou non coopération entre institutions muséales et théâtrales à l’échelle d’un territoire, attentes spécifiques en termes de politique des publics.
Nous penserons le spectacle vivant dans les lieux du musée selon quatre perspectives conjointes : des temps ; des espaces ; des objets et des corps ; des voix.
Des temps
Durant les années 1960 les musées ont vu leurs espaces s’ouvrir à de nouvelles temporalités qui s’installèrent plus durablement à partir des années 1970. L’introduction de pratiques éphémères, relevant de la sculpture ou de la performance, a contribué à remettre en question ce temps figé caractéristique du musée. Le passage de l’atelier à l’espace d’exposition correspond en effet à la transition d’un lieu combinant une multitude de temporalités à un lieu fondamentalement atemporel. Il ne s’agira pas de revenir sur cette histoire de l’ouverture du musée à l’éphémère, mais plutôt de comprendre comment, en dehors des pratiques issues des arts plastiques, les arts vivants ont également contribué, plus tardivement, à ce bouleversement temporel. C’est donc bien la présence des arts vivants dans les salles d’exposition qui retiendra notre attention, ou, dans le cas d’une programmation dans des espaces spécifiques (auditoriums, lieux de détente, ateliers, etc.) le rapport que cette programmation tâche d’instaurer avec la visite des collections. Comment le musée a-t-il fait évoluer ses contraintes de monstration des œuvres pour accorder une plus large place à de nouvelles temporalités ? Dans quelle mesure le temps du spectacle, de la représentation, du geste, peut-il susciter un nouveau regard sur le musée ?
La multiplication des temporalités au sein de l’espace d’exposition n’est pas uniquement affaire de perception des œuvres, elle imprime également une marque singulière sur la perception du lieu même, sur l’évolution de la définition du musée dont la programmation fait la part belle à l’événement, à des rythmes plus soutenus. Pourront être étudiées non seulement les problématiques liées à la temporalité des œuvres, mais aussi aux phénomènes de perception du musée par des publics renouvelés par la diversification de la programmation. Comment les arts vivant peuvent-ils générer de nouveaux rythmes de visite – intensification, condensation, fractionnement, allongement – aussi bien en termes de durée de l’expérience esthétique que d’horaires d’ouverture et de programmation ?
Des espaces
Comment décrire ces reconfigurations de l’espace muséal par le surgissement de la scène – démarcation, intrication, imbrication, chevauchement, superposition ? Où commence la scène ? Quels espaces sont-ils dévolus au spectacle dans l’espace muséal ? Ces lieux (lieux physiques, lieux symboliques) sont-ils circonscrits, marginaux, extensifs, invasifs ? Quelles places, quelles fonctions sont-elles attribuées aux collections dans cet espace scénique ? Et inversement : quelle structuration de l’espace par des corps, quelles trajectoires, quels parcours – station, déplacements, oscillations, régression –, quels rapports de jeu entre artistes et visiteurs sont-ils construits par et pour l’événement scénique, et selon quelle articulation avec les parcours envisagés pour l’exposition ? On s’intéressera, en particulier, à la question de la scénographie (scénique, muséale).
Lorsque le spectacle vivant investit le musée, il est également loisible de penser le rapport entre espace scénique et espaces muséaux en termes de surface, de territoires, et d’envisager leur rencontre comme expérience de déterritorialisation. A quels types d’échanges et de reconfigurations (des références, des concepts, des processus de création) praticiens de la scène et praticiens du musée peuvent-ils être conduits, selon leur degré de collaboration, dans l’élaboration de ces projets ? On peut également analyser ces rencontres selon une perspective intermédiale, comme re-médiation. Quelles transformations, tant de la matière du spectacle lui-même, que de la réception qui peut en être faite, sont-elles induites par ce déplacement de la scène dans le contexte muséal ? Quels jeux de l’un à l’autre autorise-t-il ?
Des corps et des objets
Faire cohabiter la danse, le théâtre ou la musique et les œuvres plastiques – peinture, sculpture, dessin – dans les salles d’exposition permet d’opérer un rapprochement entre deux régimes esthétiques, celui de la représentation, et celui de la présentation. La présence concrète, physique, des corps des danseurs ou des acteurs valorise une approche sensible de la création, générant des échos subtils entre deux conditions de l’expérience esthétique. L’incarnation du mouvement dans les salles, la présence de la voix, du son, offrent la possibilité d’un déploiement sensoriel au delà de la vision. L’expérience de visite s’en trouve largement bouleversée. Quelles relations entretiennent alors les œuvres au sein de l’espace d’exposition devenu espace scénique ? Quels sont les échos entre les formes représentées, les gestes éphémères et la présence des visiteurs ?
Les arts vivants ont par ailleurs trouvé leur place au sein des pratiques de médiation dans un recours didactique au geste et au jeu. La danse est par exemple fréquemment utilisée comme outil d’appréhension sensorielle et cognitive de la sculpture et de la peinture. Saisir le déroulé d’un geste, choisir un instant, comprendre les impulsions et les dynamiques du corps : danse, peinture, sculpture partagent un même travail sur l’anatomie, les tensions de la matière et des muscles, sur la représentation du mouvement, ses formes abstraites, ses connotations. Comment penser la complémentarité des gestes, vecteurs d’une connaissance sensible des formes et des pratiques artistiques ? Pourront être abordées des études de cas ainsi que des analyses du rapport du geste à l’œuvre, à fois dans des contextes de médiation et dans une perspective théorique sur la corporéité des œuvres.
Des voix
Ces temps, ces espaces, ces corps et ces objets entrent enfin en relation avec toute une stratification de voix, de paroles, de discours, que ce soit au cours de l’événement spectaculaire, en amont et en aval, dans l’espace scénique ou en périphérie. Discours de et sur l’événement spectaculaire, et discours sur les collections ; parole scénique ou texte muséal ; parole scientifique, fictionnelle, « authentique » ou fictive, en relation avec le contexte muséal, ou non… Le statut des voix et des discours dans l’espace muséal se complexifie encore avec l’intrusion du spectacle vivant, et le métissage des pratiques. Quel rapport entre les voix de la scène, et celles du musée ? Entre le cartel, le panneau, et les mots du comédien ? Entre le propos du guide, et celui du conteur ? Entre la visite théâtralisée, et le spectacle sous forme de visite guidée ? De quelles fonctions ces discours relèvent-ils, quels en sont la portée et les enjeux ? Dans quelle mesure le feuilletage de ces discours participe-t-il d’une transfiguration du patrimoine – et d’un repositionnement des lieux qui l’accueillent et le légitiment ? Dans quelle mesure, et à quelles conditions encore, peut-on parler de polyphonie, voire de dialogue entre ces voix distinctes, parfois divergentes, au-delà de la simple juxtaposition de soliloques simultanés, et parallèles ?
Ce colloque se veut l’occasion d’une rencontre entre professionnels et chercheurs issus de plusieurs champs disciplinaires (études théâtrales, études muséales, médiation culturelle, histoire de l’art, économie et sociologie de la culture...). Les propositions de communication (titre et résumé de 3000 signes environ, courte bio-bibliographie) doivent être envoyées au comité organisateur avant le 1er mai 2015. Notification d’acceptation des propositions : 15 juin 2015.
Contacts
le.musee.par.la.scene@gmail.com
pauline.chevalier@univ-fcomte.fr
aurelie.rezzouk@univ-rouen.fr
daniel.urrutiaguer@univ-lyon2.fr
Comité scientifique / Scientific committee :
Raphaël Abrille (Musée de la Chasse et de la Nature)
Christian Biet (HAR, Université Paris 10)
Sylvie Chalaye (IRET, Université de Paris 3)
Eric de Chassey (Académie de France à Rome, Villa Médicis / ENS Lyon)
François Mairesse (CERLIS, Université Paris 3)
Bérénice Hamidi-Kim (Passages XX - XXI, Université Lyon 2)
Joël Huthwohl (BnF, Arts du Spectacle)
Anne Krebs (Service des Études et de la Recherche, Musée du Louvre)
Serge Laurent (Les Spectacle Vivants, Centre Pompidou)
Pascal Lecroart (ELLIAD - CIMArtS, Université de Franche-Comté)
Marcella Lista (Musée du Louvre / HiCSA, Université Paris I - Panthéon Sorbonne)
Martial Poirson (Scène du monde, création, savoirs critiques, Université Paris 8)
Arnaud Rykner (IRET, Université Paris 3)
Catherine Treilhou-Balaudé (IRET, Université Paris 3)
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