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Espace doctorants en danse

Appel à contribution • Tableau vivant : la politique de l’interruption, 31 octobre 2014, Paris

Tableau vivant : la politique de l’interruption

Université Paris 1, HiCSA

Journée d’études organisée par Michel Poivert et Julie Ramos

31 octobre 2014

•> Date limite : 15 juin 2014

Désormais étudié dans ses différentes modalités historiques et esthétiques, le tableau vivant ne cesse de nous interroger sur la puissance d’un arrêt (du geste comme de l’image) : quelle est la nature de la force expressive de l’immobilité ? Considérer parfois comme anachronique au regard des arts du mouvement, le tableau vivant dans ce qu’il peut avoir d’archaïque propose une intensité que le théâtre ou l’arrêt sur image au cinéma ont largement expérimentée. L’artifice de l’immobilité contrainte des tableaux vivants peut-elle se comprendre à l’aune d’une réflexion sur les rapports entre l’image et le politique ? En performant le tableau vivant, la scène et le corps s’inscrivent dans une relation à l’espace social qui n’est pas dénué d’enjeux idéologiques. Objet singulier de l’histoire de l’art, le tableau vivant ouvre en réalité des perspectives plus larges qui concernent toutes les pratiques artistiques, le théâtre et la danse, la vidéo et la performance, ou bien encore l’installation. En proposant de repérer les enjeux politiques de l’immobilité à travers le paradigme du tableau vivant, il sera question d’autorité et de liberté, de l’économie générale du rapport entre le spectateur, l’auteur et l’acteur, et peut être aussi de penser la question de la création en dehors de l’image.

Date limite de réception des propositions de communication : 15 juin 2014.

Les propositions doivent être adressées à Michel Poivert (m.poivert@orange.fr) et Julie Ramos (julie.ramos@free.fr).

Les propositions de communication ne devront pas dépasser 300 mots et comporter : nom et prénom de(s) auteur(s), court C.V. et bibliographie sélective, titre(s), fonction(s) et institution de rattachement, coordonnées (adresse postale et électronique, téléphone), titre de la communication et principaux arguments.

Présentation générale

Le « tableau vivant » questionne les définitions traditionnelles de l’art. Communément défini comme un arrangement de personnes vivantes reproduisant de manière immobile une composition artistique, que ce soit une peinture, une sculpture ou une estampe, le tableau vivant aurait, selon un récit largement admis, connu son apogée au XIXe siècle (notamment par sa désignation en 1839 dans le récit La Toison d’or de Gautier.) C’est toutefois à cette période qu’il commence à être dévalorisé pour ses rapports avec le divertissement populaire, la photographie, voire l’érotisme. Cette croyance en un déclin du tableau vivant a contribué à concentrer son étude autour de 1800 (voir l’étude pionnière de Kirsten G. Holmström), à occulter ses origines plus anciennes, ainsi qu’à négliger ses évolutions ultérieures et son apport à l’histoire de l’art. L’objectif de la journée d’étude est de pallier ces manques en rassemblant des spécialistes du Moyen Âge, de l’époque moderne (XVIIe-XVIIIe siècles) et de la période contemporaine, afin d’en saisir les enjeux dans la longue durée.

Les études sur le tableau vivant ont jusqu’à présent majoritairement été menées par des historiens du spectacle. Ils l’ont en effet rattachés aux réformes scéniques du XVIIIe siècle, qu’il s’agisse de la redécouverte de la pantomime antique chez les théoriciens de la danse (Cahusac, Noverre, etc.) ou de la théorie du « quatrième mur » de Diderot, qui valorise l’immobilisation de l’action théâtrale en un « tableau dramatique ». À ces éléments s’ajoute l’ascendant, analysé par les historiens de l’art, des théories néo-classiques (Winckelmann, Lessing, etc.), qui préconisent pour les arts visuels la représentation du « moment fécond » d’une action, rendu sensible dans un geste suspendu exprimant la vie intérieure des figures. La plupart des spécialistes identifient ainsi le premier tableau vivant moderne dans la reproduction de L’Accordée de village de Jean-Baptiste Greuze au milieu de l’acte II des Noces d’Arlequin donné par Carlin à la Comédie Italienne, en 1761, l’année même de l’exposition de la toile au Salon. Le tableau vivant s’émancipe ensuite rapidement de la scène pour se propager comme genre autonome dans les salons privés de l’élite cultivée européenne. S’y associe la pratique dite des « attitudes », inaugurée par Emma Hart, épouse de Sir William Hamilton, qui adoptait des « poses plastiques » inspirées des statues antiques et des silhouettes des vases étrusques de la collection de son époux. Enfin, Goethe contribue à la vogue des tableaux vivants au XIXe siècle, en les insérant dans la trame de son roman Les Affinités électives (1809). Il avait non seulement assisté au « attitudes » de Lady Hamilton lors de son voyage à Naples en 1787 et avait inclus le tableau vivant à ses réflexions sur le théâtre (voir l’essai sur son monodrame Proserpine) mais il en avait aussi été l’ordonnateur à la cour de Weimar.

Le tableau vivant et ses genres connexes (les attitudes et « poses plastiques ») questionnent les frontières à la fois esthétiques et sociales : entre œuvre originale et reproduction, imitation d’une image et présence des protagonistes, auteur et spectateur, mise en scène de soi et voyeurisme. Il contribue notamment à briser le contrôle à l’accès culturel, par son lien aux pratiques amateures et par ses déplacements d’un monde « aristocratique » et « artiste » aux scènes populaires, aux ateliers de photographie et aux premières projections filmiques.

Au-delà de l’histoire du tableau vivant durant les XVIIIe et XIXe siècles, qui contribue à l’arrimer à la question du « faire tableau » dans l’ensemble des arts, l’étude de ses précédents dans les Mystères médiévaux et les fêtes d’Ancien Régime ouvre d’autres perspectives. Si les chercheurs n’ont repéré, pour ces périodes anciennes, qu’une seule occurrence d’une performance réalisée d’après une œuvre d’art (la reproduction du fameux polyptyque de l’Agneau Mystique des frères Van Eyck lors de l’entrée de Philippe le Bon à Gand en 1458), nombreuses sont les performances de personnes s’immobilisant pour « faire image » à l’occasion des rituels religieux et princiers. Leur disparition progressive au profit des « machines » et des décors imposés par la monarchie absolue pose la question du pouvoir qui s’y déploie. Pouvoir de figer l’infigurabilité du vivant ? Ou revanche du vivant sur l’image lors de performances dont l’hybridité fondamentale (entre l’art et de la vie) permet d’en briser l’efficacité ? Ces questions semblent réactualisées par les pratiques plus contemporaines du tableau vivant, du cinéma à l’art contemporain, en passant par le très populaire festival Pageant of the Masters, organisé à Laguna Beach depuis 1933. Elles permettent d’envisager les relations entre image et performativité, leurs affinités et leurs tensions dans l’instant suspendu. Elles supposent d’interroger le rôle de l’auteur de ces images collectives, mais aussi leur dimension politique.

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