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Le Cri dans les arts et la littérature, ou l’intime inarticulé
Journée d’étude organisée à Dijon, le 21 novembre 2014 par le centre Interlangnes EA4182
•> Date limite : 15 mars 2014
Dans le cadre de ses recherches sur l’Intime, le Centre Interlangues Texte, Image, Langage de l’Université de Dijon organise une journée d’étude interdisciplinaire consacrée au cri dans les arts et la littérature. Qu’il surgisse dans le roman, le théâtre (Happy Days ou Breath de Beckett par exemple), l’opéra (Billy Bud de Benjamin Britten), dans la sculpture et la peinture (de Vélasquez, Goya, Caravage, Bacon ou Le Brocquy pour ne citer que quelques peintres), dans la performance (Sound Barrier de Vito Acconci et Jay Jaroslav en 1971 ou Freeing the Voice de Marina Abramovic en 1975) ou dans le domaine de la danse (chez Lia Rodrigues par exemple), le cri mène l’œuvre à un paroxysme. Bien plus qu’une simple expression de l’effroi, tel qu’on le trouve dans le genre de l’épouvante que nous ne souhaitons pas privilégier, le cri perturbe l’œuvre, la fait chavirer. Transgressif et bestial, il rompt avec l’ordre et la beauté, donnant à voir un visage défiguré ou un corps contorsionné, celui des harpies poussant des cris funestes et stridents. Opposé au chuchotement des confidences, le cri, bruyant, dérange et agresse au point qu’il faille parfois l’étouffer. Dans Le Théâtre de Séraphin, Artaud défini le cri comme « la plainte d’un abîme qu’on ouvre ».
C’est d’abord la place de ce surgissement paroxystique de l’intime inarticulé dans l’économie de l’œuvre que cette journée d’étude propose d’explorer. Son de l’excès et de la catharsis, oscillant entre lamentation funèbre et fureur, le cri d’un personnage ou d’un chœur tragique mène l’œuvre à un paroxysme. De quelles tensions naît le cri ? Pourquoi certaines émotions intimes, indicibles, inavouables, refoulées ne peuvent s’exprimer que par le cri ? Comment ses qualités acoustiques dialoguent-t-elle avec d’autres formes textuelles ou visuelles muettes ? La célèbre Gorgone de Caravage, comme le visage peint par Edward Munch, est figée dans un cri paradoxalement silencieux. On pourra s’intéresser à l’écho du cri dans l’œuvre : précède-t-il la réinstauration d’un ordre moral, sexuel, politique ou esthétique ou bien annonce-t-il un monde déréglé et dystopique ? Quel est son effet sur le spectateur ou le lecteur ? Le cri crée en effet un malaise en repoussant les limites du corps. N’oublions pas que le cri est avant tout un acte physique. Hélène Singer, dans Expressions du corps interne considère le cri comme une déchirure du silence mais aussi comme une déchirure de la chair et de la terre. Le cri est un dévoilement du corps interne, « comme entrailles sonores ». Excès d’impudeur, exhibition sonore, le cri paraît obscène, rappelle Singer. Informe et laid, il est ce qui déborde.
Cette journée d’étude considèrera également le cri comme un acte de résistance rendant sonore ce qui ne peut s’entendre ou donnant voix et parole à ceux qui ne sont pas entendus. Crier peut conduire à se récrier. On s’interrogera sur la résonnance sociale du cri et la manière dont il fait retentir divers rapports de force. La bouche ouverte de Méduse, parfois comparée à un vagin, a inspiré plusieurs artistes femmes ou féministes. Le cri émane d’un corps mis à mal, insoumis et incompris proposant un langage a-normé, voire anormal qui défie les conventions. Qualifié de dégradant, d’inhumain ou de bestial, le cri s’oppose au discours civilisé. Le cri des peuples colonisés, perçu comme primal, le cri prétendument insensé des aliénés ou celui, asocial, des prisonniers, ne fait irruption que parce que l’intime et les émotions ont été bridés. Symptôme de multiples violences, le cri fait alors entendre tant la vulnérabilité des êtres que leur force de résistance.
Les propositions de communication de 350 mots environ doivent parvenir avant le 15 mars 2014 aux organisatrices : Paloma Bravo (Paloma.Bravo@u-bourgogne.fr) et Valérie Morisson (valeriemorisson@gmail.com).
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