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Le silence : de la suspension à l’infini
La Société des Études Supérieures du Département d’Études Françaises (SESDEF) de l’Université de Toronto lance un appel à communications pour son colloque annuel auquel sont conviés des chercheurs en provenance de toutes les disciplines. Le colloque se tiendra les 8 et 9 mai 2014 à l’Université de Toronto sur le campus St-George, au centre-ville. La date limite pour la réception des propositions est fixée au 15 janvier 2014.
•> Date limite : 15 janvier 2014
Que l’on le conçoive sous forme d’absence, de pause, de vide, de marqueur de l’indicible, le silence est souvent conçu comme une négativité dont le sens dépend du rapport qu’il entretient avec ce qui l’entoure, le précède ou le succède. Pourtant, le silence est en soi un espace, une présence qui recèle une forte potentialité significative que musiciens, artistes, auteurs, entre autres, exploitent régulièrement dans leurs oeuvres respectives. Pensons à la pièce 4’33 de John Cage, par exemple, où l’auditeur se trouve confronté avec un « silence » qui sert, paradoxalement, de véhicule d’une expérience sonore ; à Mallarmé pour qui le silence se manifeste sous forme de page blanche et de marques typographiques ; ou encore à la littérature telle que décrite par Pascal Quignard : « Cet engagement de plus en plus profond, depuis sa source jusqu’à sa fin, dans le silence. L’invention de l’écriture est la mise au silence du langage. C’est une seule et même aventure dont on ignore l’issue. Ce que le langage oral ne peut dire, tel est le sujet de la littérature. Et quel est le silence ? Le langage en écho, l’ombre de la langue naturelle » (Vie secrète).
Rythme, musicalité, temporalité
Le silence existe dans une relation immédiate à la temporalité, ce qui suscite plusieurs questions pour en déterminer la nature : Le silence se définit-il uniquement par sa durée ? Quelles en sont les autres manifestations ? Y a-t-il une musicalité du silence ? Un rythme ? Le silence est présent à l’intérieur comme à l’extérieur de la littérature. Il est intrinsèque à la narrativité, c’est-à-dire qu’il rythme le récit par la ponctuation, la description ou autres techniques propres au dispositif littéraire ; il joue également un rôle important dans l’élaboration de la pensée, car il permet un espace de régénérescence, voire de contemplation, comme l’a d’ailleurs proposé Walter Benjamin. Les mots mêmes, la voix et la parole, jouent tous avec le silence, en font leur musique. En tant que manque, qu’espace négatif, potentiel ou ouvert, le silence s’inscrit dans la temporalité de tout acte créatif. Il peut aussi mener à une hybridité des genres, comme les représentations visuelles et « silencieuses » de la musique chez Paul Klee. Comment donc le rôle et les effets du silence sont-ils transformés de genre en genre, ou à travers plusieurs médiums ?
Production et réception
Le silence est aussi au centre des conditions de création puisqu’il peut être nécessaire à l’écrivain de s’y retrouver pour écrire, tout comme il est au coeur de la parole de tout locuteur. Il devient donc un lieu de recueillement, d’inspiration et de production : un espace qui est créateur, mais également difficile à atteindre. On peut penser aux nombreux témoignages du syndrome de la page blanche, ou encore à la tension entre la vie et les arts. L’écrivain joue d’ailleurs lui-même avec cette image, utilisant le texte comme piédestal de la vie littéraire romantique et silencieuse. Puis, le silence évoque la question de la réception. apparaîssant comme une condition dans l’expérience du lecteur face à l’oeuvre. D’une part, il peut la caractériser comme étant solitaire et immersive, de l’autre, il en détermine l’appropriation et l’interprétation. On pense ici à Saint Augustin pour qui la lecture en tant qu’activité silencieuse est un concept en opposition avec les pratiques de ses contemporains. On peut également penser aux récitals, à la lecture à haute voix, et à la performance, où la notion de la solitude doit être repensée. Le silence se conçoit alors comme un lieu de l’intime que la littérature et la parole exaltent et partagent, ayant conscience de leur fragilité latente, de leur potentielle rupture.
L’indicible
Le silence évoque également la problématique fort complexe de l’indicible, et, par extension, les notions de l’inimaginable, de l’indescriptible, de l’extraordinaire et de l’invisible. Il amène ainsi à une interrogation sur les limites du langage, du logos, de la perception, et aussi de l’au-delà du discours. Face à la beauté, à la violence, au sublime ou à la douleur, entre autres, le silence traduit parfois l’impossibilité de mettre en mots des expériences limites, que celles-ci soient d’ordre personnel ou collectif. À l’aide de figures, de tropes ou d’autres dispositifs littéraires, les écrivains empruntent une série de voies détournées afin de négocier les défaillances du langage qui leur sert de médium. Aposiopèse, litote, ellipse, le domaine littéraire témoigne d’une véritable « rhétorique du silence », illustrant les tentatives des écrivains de représenter dans leurs oeuvres cette problématique qu’est le silence.
Voici quelques pistes que nous souhaitons soulever à titre d’exemples :
Dans le domaine de la création artistique :
En linguistique aussi, puisque l’étude de la langue est autant l’étude de ce qu’on dit que l’étude de ce qu’on ne dit pas :
Responsable : Société des études supérieures du Département d’études françaises (SESDEF - Université de Toronto))
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